Les grands graveursLes Tiolier

Qui a gravé l’effigie de Louis XVIII ?

Cette effigie, tous les numismates la connaissent. Et si vous consultez un livre de cotations, ou un catalogue — exception faite de quelques auteurs ou professionnels prudents — vous la verrez attribuée à Monsieur Tiolier père. Logique, direz-vous, puisque c’est lui qui l’a signée. Méfiance…

Bien que signée par Pierre-Joseph Tiolier, il semblerait que la célèbre effigie de Louis XVIII ait bel et bien été gravée par son fils, Nicolas-Pierre. Monsieur l’archiviste, une explication s’impose !

« Rappelons d’abord que les types provisoires exécutés par Tiolier père ou Tiolier fils ne portent pas le différent du graveur général en exercice mais seulement la signature de l’artiste au-dessous de l’effigie. Si l’on se réfère à Forrer, Tiolier fils signait ses œuvres N. Tiolier, N.P. Tiolier, N. .˙. Tiolier .˙. (pour son appartenance à la Franc-Maçonnerie) ou encore T. Tandis que son père signait Tiolier, Tiolier F ou Tr. Bien que la signature apposée sous cette effigie soit donc généralement considérée comme celle du père, le style même du graphisme permet de penser que nous sommes pourtant bien en présence de l’œuvre du fils. Le style du père, que nous rencontrons sur certains types monétaires de Consulat et de l’Empire, exprimé peut-être davantage dans les médailles, est empreint de l’académisme imposé de son temps, alors que celui du fils, qui annonce peut-être déjà le romantisme, présente un modelé accentué emprunté à la sculpture, qu’il pratique également. Ce fait imprimera dans l’œuvre de Nicolas-Pierre un caractère plus personnel. Son haut-relief et son réalisme le feront ainsi différencier du père. Un autre élément a peut-être joué en faveur de cette hypothèse. S’il est vraisemblable que le père et le fils ont étroitement collaboré à ce projet, on serait en droit de supposer que le dessin serait du fils et la gravure du père, si l’on s’en tient à la signature, Tiolier F., qui est celle du père.

Louis XVIII. Monnaie de visite du comte d’Artois
à la Monnaie de Marseille au module de 5 F, argent, 1814. Graveur Pierre Joseph Tiolier et/ou Nicolas Pierre Tiolier. (Monnaie de Paris | Photo F.Neuwald)

Je pense qu’il en est tout autrement. A l’examen et à la description attentifs du très rare essai sur flanc or exposé au Musée de la Monnaie de Paris, au module duquel a été faite cette monnaie de visite, figure tout d’abord, au droit, l’effigie du roi tournée à gauche, qui porte la perruque en queue à bourse, l’habit brodé, la cravate et la plaque du Saint-Esprit, comme sous l’Ancien Régime. Cette figure, loin d’être gracieuse, aurait fait dire à Louis XVIII : « Mon portrait et moi, nous ne pouvons nous regarder sans rire. » (cité par Mme la Baronne de Villeneuve). Cette première émission offre, au revers l’écusson de France, de forme carrée, sans indication héraldique de couleur, mais chargé de trois fleurs de lys, surmontées de la couronne royale et entourées de deux branches d’olivier. Au bas, en guise d’exergue, l’année de fabrication, entre la lettre monétaire et le différent de l’hôtel. À vrai dire, le revers nous importe peu mais le droit, par contre, retiendra notre attention. So l’on superpose cette pièce au buste couronné revêtu du manteau royal (essai de la pièce de 5 F, daté de 1815), que présentait Tiolier fils lors du concours monétaire ouvert le 2 août 1814 à celle précédemment décrite, nous constatons une facture absolument identique dans le graphisme des visages de chacune des deux pièces… »

Vous voilà prévenus ! 😉

Un grand merci à M.Dov Zérah, directeur de la Monnaie de Paris et à MM.Darnis et Indrigo, sans l’aimable collaboration desquels ce dossier n’aurait jamais pu être réalisé

Cristina Rodriguez

Article précédemment publié dans Numismatique et Change N°378 Janvier 2007

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